lunes, 13 de septiembre de 2010

Guillaume Apollinaire



"Zone",

"Le voyageur"

"Vendemiaire"

"L'enfer"

"Il y a"


Le Bestiaire, ou Cortège d'Orphée, con ilustraciones de Raoul Dufy (1911).

"Les villes..."






"L'amour le dédain l'esperance"


Je t’ai prise contre ma poitrine comme une colombe qu’une petite fille étouffe
sans le savoir

Je t’ai prise avec toute ta beauté ta beauté plus riche que tous les placers de la

Californie ne le furent au temps de la fièvre de l’or

J’ai empli mon avidité sensuelle de ton sourire de tes regards de tes frémissements

J’ai eu à moi à ma disposition ton orgueil même quand je te tenais courbée et que

tu subissais ma puissance et ma domination

J’ai cru prendre tout cela ce n’était qu’un prestige

Et je demeure semblable à Ixion après qu’il eut fait l’amour avec le fantôme de

nuées fait à la semblance de celle qu’on appelle Héra ou bien Junon l’invisible

Et qui peut prendre qui peut saisir des nuages qui peut mettre la main sur un mirage

Et qu’il se trompe celui-là qui croit emplir ses bras de l’azur céleste

J’ai bien cru prendre toute ta beauté et je n’ai eu que ton corps

Le corps hélas n’a pas l’éternité

Le corps a la fonction de jouir mais il n’a pas l’amour

Et c’est en vain maintenant que j’essaie d’étreindre ton esprit

Il fuit il me fuit de toutes parts comme un nœud de couleuvres qui se dénoue

Et tes beaux bras sur l’horizon lointain sont des serpents couleur d’aurore qui se

lovent en signe d’adieu

Je reste confus je demeure confondu

Je me sens las de cet amour que tu dédaignes

Je suis honteux de cet amour que tu méprises tant

Le corps ne va pas sans l’âme

Et comment pourrais-je espérer rejoindre ton corps de naguère puisque ton âme

était si éloignée de moi

Et que le corps a rejoint l’âme

Comme font tous les corps vivants

O toi que je n’ai possédée que morte

Et malgré tout cependant que parfois je regarde au loin si vient le vaguemestre

Et que j’attends comme un délice ta lettre quotidienne mon cœur bondit comme

un chevreuil lorsque je vois venir le messager

Et j’imagine alors des choses impossibles puisque ton cœur n’est pas avec moi

Et j’imagine alors que nous allons nous embarquer tous deux tout seuls peut-être

trois et que jamais personne au monde ne saurait rien de notre cher voyage vers rien mais vers ailleurs et pour toujours

Sur cette mer plus bleue encore plus bleue que tout le bleu du monde

Sur cette mer où jamais l’on ne crierait Terre

Pour ton attentive beauté mes chants plus purs que toutes les paroles monteraient plus libres

encore que les flots

Est-il trop tard mon cœur pour ce mystérieux voyage

La barque nous attend c’est notre imagination

Et la réalité nous rejoindra un jour

Si les âmes se sont rejointes

Pour le trop beau pèlerinage

Allons mon cœur d’homme la lampe va s’éteindre
Verses-y ton sang

Allons ma vie alimente cette lampe d’amour

Allons canons ouvrez la route

Et qu’il arrive enfin le temps victorieux le cher temps du retour

Je donne à mon espoir mes yeux ces pierreries

Je donne à mon espoir mes mains palmes de victoire

Je donne à mon espoir mes pieds chars de triomphe

Je donne à mon espoir ma bouche ce baiser

Je donne à mon espoir mes narines qu’embaument les fleurs de la mi-mai

Je donne à mon espoir mon cœur en ex-voto

Je donne à mon espoir tout l’avenir qui tremble comme une petite lueur

au loin dans la forêt




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